Opinion/Mayotte : fracture culturelle

Par Ali Moindjie (Journaliste)

Ali Moindjié

On peut critiquer les motivations de la domination des esprits mais on ne peut nier la redoutable efficacité dont elle a fait preuve à Mayotte en seulement quarante ans.
Je viens de lire un article dont l’auteur s’inquiète sincèrement du hold up dont se serait rendu coupable la chanteuse Nawal. Il reproche à la «Grande-comorienne’» de voler le debaa, présenté comme un patrimoine exclusif de Mayotte.
L’auteur ne se souvient pas un instant, que pendant des siècles, bien avant le triste visa Balladur, les hommes et leurs productions artistiques passaient d’une île à l’autre à bord de leurs boutres, s’installaient où leurs embarcations les emmenaient et chantaient ce que bon leur semblait sans se soucier de copyright.
Comment savoir que des chansons centenaires d’inspiration religieuse n’appartiendraient qu’à Mayotte ?
Cela me rappelle un fait vécu à Paris pendant mes jeunes années. Je me suis retrouvé, un jour, dans une exposition à la Cité des Sciences où on présentait le vala ( banga) comme une exclusivité mahoraise. J’ai eu alors la surprise de voir un spécialiste expliquer comment son île avait inventé le vala. Moi-même, Je venais de passer plusieurs années de ma vie dans un vala chez moi !

Dénominateur culturel

On assiste tous les jours à des aberrations de ce genre de la part de personnes sincères, convaincues qu’elles n’ont rien de comorien et que cet adjectif est en soi une insulte intolérable. L’une des solutions imaginées pour régler le problème politique est de séparer l’île de notre identité commune.
On est passé tranquillement des fameuses «Comores Iles au parfum » à l’unique «Mayotte, Ile au parfum » comme si les senteurs du Jasmin, de l’ylang ylang et de la vanille s’arrêtent à Mamoudzou.
Vous avez probablement vu à la télé cette émission montrant le msindzanou (masque de beauté au santal) comme une spécificité mahoraise. De quoi surprendre les anciens esclaves Makoa ( Mozambique) qui nous l’ont légué sur l’ensemble de l’archipel.
Tout se passe comme s’il il faut gommer tout dénominateur culturel entre Mayotte et ses îles sœurs.
Ce qui donne souvent quelques énormités. Comme lorsque vous rencontrez un ancien camarade d’école dans les aéroports et qu’il vous demande en toute bonne foi « comment ça va chez vous aux Comores ? »
J’avoue que j’ai du mal à comprendre comment, on peut être de Mayotte et pas être Comorien ? Puisque , d’après les dictionnaires, un Comorien c’est tout tout simplement un habitant ou une personne originaire de l’archipel des Comores ? Doit-on redessiner les cartes maritimes établies par les navigateurs arabes et européens indiquant invariablement que les Comores sont composées de quatre îles comprenant la Jazyratu Al-Mawuti ? (Le lagon n’a pas attendu les kwassa kwassa pour commencer à décimer des boutriers.)
Puis, il y a ce discours de plus en plus surprenant de la part de nos compatriotes qui consiste à démontrer que fermer les frontières serait la solution pour sauver l’île d’une catastrophe annoncée comme certaine. La cause : elle ne peut accueillir toute la misère des Comores.

Réfugiés polonais

Donc au moment où des continents entiers ouvrent leurs frontières, voici qu’il est demandé aux Comoriens de rester parqués dans les trois îles indépendantes et oublier toute idée de traverser les 70 km qui séparent Anjouan de Mayotte !
Depuis quand existe-t-il une frontière internationale entre Anjouan et Mayotte ? Par qui a-t-elle été tracée ? Qui l’a reconnue ?
Au fil de l’histoire, les habitants des îles se sont déplacés d’une île à l’autre pour s’approcher d’un pôle économique. Il n’y a rien de nouveau. Il semble que ce soit Mayotte, aujourd’hui-, qui offre cette capacité d’attraction aux insulaires désireux de briser le cercle de la précarité.
Pourquoi on a la mémoire courte ? Pourquoi des cadres mahorais parlent des « Comoriens » comme si eux-mêmes étaient des aryens allemands s’adressant à des réfugies polonais ?
Pourquoi ils oublient que certains de leurs parents résidaient à Moroni pour le travail, il y a juste 40 ans du fait que le poumon économique de nos îles était en Grande Comore ? Comme Il y eut un temps où c’était Anjouan qui était le sein nourricier du pays. Les bras valides s’y rassemblaient.
La roue de la fortune ne s’arrête pas parce qu’un grand pays a mis toute sa force pour nous arracher une partie de notre terre. Michel Rocard, ancien premier ministre et illustre intellectuel français a admis au cours d’une conférence à Washington en janvier 2000 : « au regard du droit international, l’administration française à Mayotte est illégale»..

A la France éternelle

Ceux de nos compatriotes de « l’autre rive du visa Balladur » qui, s’abritent derrière le droit du plus fort pour maltraiter des femmes et des enfants parce qu’ils sont comoriens ne peuvent pas de toute manière prétendre agir au nom des valeurs et de l’humanisme de la patrie de Condorcet, de Jaurès, de Zola et Jean Moulin. Ils s’engagent manifestement sur la voie sans issue des nazis avec la funeste étoile jaune des juifs. On sait comment cela finit.
Et si en plus, ils entretiennent l’illusion que notre patrimoine commun est une propreté exclusive de Mayotte , il y a fort à parier qu’ils sont perdus. Il y a deux façons de se perdre selon Aimé Césaire : s’emmurer ou s’ouvrir sans retenue.
On n’en appellera jamais assez à la France éternelle, la Grande, celle du général La Fayette volant au secours des opprimés d’Amérique, celle de Jean Paul Sartre infatigable avocat des forçats de la terre, celle de Charles de Gaulle décolonisant l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Peut-elle réaliser enfin que le rôle, que lui font jouer des extrémistes -qui ne lui ressemblent pas dans ces îles- ne lui sied pas ?
La vocation de la France éternelle c’est d’aider à limiter l’impact fratricide de cette fracture culturelle bien plus dangereuse que le problème politique forcément passager au regard du temps de l’histoire.

Un avis sur « Opinion/Mayotte : fracture culturelle »

  1. Le debaat c est mahorais cherche pas a vous rediculiser les comoriens
    Comme le taarab est de zanzibar
    Ne faites les patrimoines des autres comme les votres.

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